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   Documentation
Quand la voiture devient automobile (extraits)

Retrouvez la totalité de cet article de Jean-Marc Sérékian sur le site carfree en cliquant ici :

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(...) Dès ses débuts, la voiture n’a jamais été un simple objet de consommation parmi tant d’autres. Elle a d’emblée symbolisé la richesse, la puissance, le pouvoir mais aussi le progrès, l’avenir et la liberté. Mais dans l’ordre industriel issu de la 2e guerre mondiale, elle prend une place centrale avec un rôle fédérateur et organisateur de la société. Limiter la liberté d’action de la voiture, c’est s’attaquer à la société dans les fondements mêmes de son organisation économique, c’est s’attaquer au capitalisme dans toutes ses dimensions.

(...) L’automobiliste narcissiquement satisfait « d’être au volant » d’une voiture « à la pointe du progrès » ne s’aperçoit toujours pas qu’il ne fait plus qu’obéir aux suggestions de la machine. La voiture, en devenant « ordinateur », prend progressivement les commandes et impose sa logique, qui est celle de l’ordre industriel.

(...)On continue à vendre une machine que l’on appelle « voiture » pour sa valeur d’usage, moyen de transport et de déplacement, mais ce sont beaucoup plus de choses qui passent aujourd’hui dans la transaction. On vend du confort, du luxe, de l’apparat, de l’esthétique, une certaine conception du monde, de l’informatique, de l’audio-vidéo, de la climatisation, de la navigation par satellites (GPS), etc. Mais aussi et surtout on vend de la sécurité, de la discipline, de l’ordre social et bientôt du militarisme. Ceci n’est cependant pas encore bien visible. Il faut ménager le client, éviter de froisser le narcissisme du futur propriétaire. La fascination de la technique suffit, pour le moment encore, à détourner l’attention... L’informatique incorporée est pourtant déjà prête à dicter la « Bonne Conduite » à son conducteur. L’automatisme est déjà en mesure de le mettre en « état d’arrestation ». Modestement, pour le moment, la technique se contente de l’informer de manière ludique et conviviale. Mais l’association du GPS et de l’informatique permet déjà de faire les statistiques en temps réel des infractions au Code de la Route. Le conducteur s’émerveille encore de l’efficacité de la navigation par satellite. Mais, bientôt lors d’un contrôle routier l’agent de police ne s’adressera plus au conducteur mais à la mémoire de son ordinateur...

(...) En plus de la « valeur d’usage » et de la « valeur d’échange » de l’économie politique classique, tous les objets peuvent, toujours dans la sphère économique, réaliser une « valeur sentimentale », une « valeur religieuse » une « valeur sexuelle », une « valeur identitaire »... La voiture permet de satisfaire toutes ces dimensions. Les individus au travers de leur « bagnole » veulent pouvoir affirmer leur personnalité, leur sexualité, leur statut social et économique, leurs phantasmes... La voiture organise les relations sociales et la communication entre les individus, en instrumentalisant le narcissisme, la sexualité, et les phantasmes...

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(...) Comme pour les relations interpersonnelles, la voiture organise aussi la hiérarchie sociale. Au plus bas de l’échelle sociale l’ouvrier dans la précarité n’a pas de voiture, mais s’il rêve de s’en payer une il réussit son intégration sociale ; en attendant il regarde la télévision. Juste au-dessus de lui l’ouvrier régulièrement salarié se contente de la « valeur d’usage » de la voiture ; une « bonne occasion » suffit à faire « l’affaire ». Son fils, jeune adulte émancipé, noyé dans ses hormones, demande plus qu’un simple moyen de transport, pour cela il devra « travailler plus pour gagner plus » ou s’investir plus profondément dans le « Bizness » des cités. La femme est « émancipée », ce qui veut dire qu’elle doit pouvoir choisir sa voiture en fonction de statut hormonal du moment : sexualité libérée, maternité désirée, ménopause régulée ; « surémancipée », haut placée dans la hiérarchie, c’est le statut « socio-économique » qui prend les devants sur la sexualité et impose son choix. Encore plus haut, au sommet de la pyramide, toutes les fantaisies redeviennent permises ; mais pour celle située au plus bas de l’échelle sociale seul le rêve d’émancipation est de l’ordre du possible. Le couple, heureux parents d’une famille nombreuse, s’émancipe et s’identifie par la voiture « Espace » ; les gadgets vidéo incorporés au dos des sièges avant, associés au gavage des enfants facilité par l’ergonomie de l’habitacle, permettent de diminuer les turbulences inévitables à l’arrière du véhicule, lors des longs trajets sur la route des vacances. Le technocrate se veut jeune, dynamique et conquérant mais en même temps sérieux, rangé et discipliné ; son statut de « gagnant » l’oblige, pour affirmer son rang, à « taper » dans le haut de gamme des voitures allemandes. Le « nouveau riche » éduqué au cinéma « peaufine » son choix de bagnole en fonction de celles de ses héros préférés, longue limousine aux portes épaisses et vitres teintées du vieux mafieux non-violent, ou puissant et volumineux 4×4 évoluant dans la boue et le sang des films d’action. Mais déjà tout ce cinéma est produit en série et équipe les voitures d’entrée de gamme. Le choix devient difficile et ne peut plus se faire que dans la démesure. « L’écologiste », obligé comme tout le monde d’avoir une voiture, se déculpabilise en choisissant le « carburant le moins polluant », « à effet de serre minimum », ou bien la voiture à la carcasse la plus « recyclable ».

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(...) Le prix du pétrole va augmenter, c’est économiquement inévitable. Il pourrait le faire dès aujourd’hui et très brutalement, sans forcément trop perturber le comportement des automobilistes. Leur dépendance à la voiture est totale. A la fois physique et psychique, elle confine à la toxicomanie. Mais bien plus que l’héroïne, la cocaïne, le tabac ou alcool, la dépendance est aussi sociale, économique, narcissique, sexuelle et intellectuelle ; elle est vraiment totale... Un drogué, un alcoolique ou un tabagique peuvent très bien admettre intellectuellement qu’ils devraient diminuer ou arrêter leur consommation, c’est impossible pour un automobiliste. L’espace urbain et péri-urbain, le territoire dans son ensemble est pensé et aménagé pour la voiture... (...) Une augmentation brutale serait plutôt contre productive sur le plan écologique, elle stimulerait à nouveau la prospection pétrolière, financerait « l’innovation technologique » pour l’exploitation du « pétrole lourd » ou des « grandes profondeurs ». En rendant possible et rentable l’exploitation de gisements qui ne l’étaient pas au prix actuel, elle accélèrerait l’extension des dégâts écologiques de la prospection pétrolière dans des lieux jusque là inaccessibles, et stimulerait la production des biocarburants, la transformation des terres à blé pour le pain en terre à blé pour le pétrole... Au désastre écologique elle y ajouterait le désastre humanitaire.

(...) Les quelques centaines de morts encore laborieusement épargnés sur les routes sont déjà remplacées par des milliers de morts, victimes de la pollution atmosphérique. La guerre par la voiture se modernise, elle devient chimique. (...) La voiture est véritablement la bonne à tout faire du capitalisme. L’atmosphère enfumée par la voiture et le transport routier, les nuées empoisonnées et déjà cancérigènes, deviennent autant de « bouffées d’oxygène » pour relancer le nucléaire. Le rapport du GIEC sur le « réchauffement climatique », taillé sur mesure pour remettre en selle le nucléaire, arrive à point nommé. En apportant sa caution « scientifique » aux puissances industrielles, il leur permet de relancer sur leur territoire de nouveaux programmes nucléaires. « Atmosphère encore plus enfumée ou radioactivité, il faut choisir » ! Les états-majors technocratiques ont choisi.



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